"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

lundi 21 avril 2008

Delanoë se plante sur la Chine.


Bertrand Delanoë en entraînant le Conseil de Paris dans un vote douteux en faveur du Dalaï-Lama fait fausse route.

Sur injonction du maire de la capitale, le chef religieux tibétain a été fait "citoyen d'honneur de la ville de Paris". Les protestations de beaucoup d'élus parisiens (de gauche et de droite) n'ont pas réussi à contrarier ce projet baroque.

Cette distinction ostentatoire offense profondément ma conception de la laïcité.

Au nom de quoi la capitale française, dont je suis électeur et contribuable, distinguerait-elle ainsi le leader d'une religion qui s'apparente largement à une secte ?

On pare le Dalaï-Lama de beaucoup de vertus, en oubliant un peu vite qu'il incarne une civilisation médiévale, une théocratie rétrograde laquelle, jusqu'à l'intervention chinoise en 1959, imposait toujours le servage et l'asservissement des femmes, entre autres joyeusetés.

La Chine Populaire, tout en progressant sur la voie inédite du capitalisme d'Etat, n'est certes pas un paradis.

Mais la Chine Populaire, forte de son milliard 300 millions d'habitants, est en train de se transformer et d'évoluer de manière spectaculaire. C'est l'aventure de civilisation la plus passionnante du XXIème siècle.

Cela se fait évidemment avec brutalité et avec violence. Au XIXème siècle, la révolution industrielle en Europe (et singulièrement en Grande-Bretagne) n'a pas été non plus une partie de plaisir.

Face à la Chine contemporaine qui crée et qui invente, pourquoi faudrait-il prendre parti pour les frustrés en exil d'un Tibet moyenâgeux, cette escouade de moinillons rasés et drapés dans leurs si seyantes tenues couleur safran ? Incarnent-ils le mieux-disant démocratique ? Qui peut ici l'affirmer avec des preuves ?

Je rigole franchement quand j'entends aujourd'hui les vieux gauchistes français qui brandissaient jadis le petit livre rouge de Mao. Ce sont les mêmes qui viennent se prosterner à présent devant le gourou tibétain. Mao n'avait eu de cesse que de vouloir briser cette douteuse idolâtrie enveloppée de vapeurs d'encens. Je ne dis pas que Mao avait raison. En effet, sur tout le reste, il s'est dramatiquement trompé et son règne a été un long calvaire sanglant pour le peuple chinois.

Mais quand je vois aujourd'hui les maoïstes français d'autrefois pleurnicher sur le sort du Dalaï-Lama et des bouddhistes tibétains, je me marre !

Au passage, je signale que lors de mon dernier voyage, il y a 18 mois, j'ai visité, dans divers endroits de la Chine et sans entraves, plusieurs pagodes bouddhistes où les moines tibétains ne semblaient pas vraiment persécutés.

Mais, que voulez-vous y faire ? Le Tibet, c'est chic, c'est à la mode. Merci Robert Ménard (quelle nuisance, celui-là !).

Pendant un certain temps, nous aurons du mal à nous opposer à cette vague superficielle. Je pense qu'il ne s'agit que d'une mode. Je prédis que dans quelques semaines un autre "cause célèbre" aura supplanté les jérémiades françaises sur le Tibet.

Plus sérieusement, je crains que la crispation française contre la Chine ne soit qu'un reflet supplémentaire de nos terreurs face à l'avenir.

La Chine, dans moins de 10 ans, sera la première puissance économique mondiale. C'est un retour triomphal sur la scène internationale. Car la Chine était déjà la première puissance économique mondiale avant 1850, avant l'émergence des Etats-Unis et avant le déclin du système impérial à Pékin.

La Chine est redevenue ce dragon qui crache le feu. La France n'est qu'une musaraigne craintive.

En vociférant en faveur du Tibet, les Français n'expriment qu'une angoisse grandissante face au géant chinois.

C'est ce géant qui engloutit nos usines, nos emplois et nos espoirs, c'est ce géant qui envahit les rayons de nos boutiques avec des produits fabriqués pour un salaire de misère alors que nos travailleurs végètent dans l'indignité du chômage.

Sur cette rancœur légitime, les propagandistes de boycottage des jeux de Pékin surfent avec délectation.

C'est une erreur historique.

Il faut impérativement que les jeux de Pékin se déroulent de manière harmonieuse. Il faut laisser la Chine triompher, selon le scénario prévu. La réussite sans anicroche des Jeux Olympiques est la garantie d'une avancée sociale et démocratique.

C'est la reconnaissance justement réclamée par cet étrange régime qui manie une carotte aussi énorme que son bâton.

Si les Jeux de Pékin tournent au fiasco, si Ménard et ses sbires parviennent à foutre le bordel qu'ils annoncent, la Chine populaire se refermera dans un nationalisme étroit, elle régressera. Et c'est le peuple chinois qui paiera les pots cassés et, pire encore, ce sont les Tibétains qui paieront le plus lourd tribu.

On a toujours tort d'appliquer mécaniquement nos schémas occidentaux sur des civilisations très anciennes.

La peine de mort ? Qui sommes-nous pour en parler, nous qui ne l'avons abolie qu'en 1981 ! Le vote des femmes en France ? C'est en 1944. 42 ans après l'Australie et 31 ans après la Norvège.

La Chine n'a jamais, je dis bien jamais, connu la démocratie sur le modèle auquel nous nous référons.

Mais jamais la Chine, depuis deux siècles, n'a connu une telle progression économique et sociale qui se manifeste par une élévation générale du niveau de vie, la disparition des famines fréquentes sous Mao, l'émergence d'une classe moyenne et une ouverture inédite sur l'extérieur.

Ce cheminement difficile doit-il être contrarié par les défenseurs ignorants d'une croyance d'un autre âge ?

Je parle ici de l'obscurantisme tibétain.

C'est à vous de voir.

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