"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

dimanche 1 mars 2009

Movies


Maintenant que l’annuelle et pathétique mascarade des « Césars » du cinéma français est derrière nous (« Séraphine » et Yolande Moreau, quelle purge ! C’est donc ça la perfection cinématographique française ? Au secours !), nous pouvons enfin reparler de cinéma, du vrai, du cinéma américain principalement.

J’ai ressenti un grand choc aujourd’hui en voyant « Les Noces Rebelles » (titre français idiot – je vais y revenir) de Sam Mendes.

Le réalisateur est britannique mais le film est totalement américain. J’ai vu ce film tardivement, excusez-moi ! Il est sorti depuis un mois déjà. Un film chasse l’autre. C’est ainsi que fonctionne la distribution des films en France. Je l’ai vu de justesse. Ouf !

Ce n’est que le quatrième film de Sam Mendes. Son tout premier lui avait donné toute la légitimité pour décrypter la société américaine.

Il s’agissait d’ « American Beauty », à mes yeux un chef-d’œuvre.

Nous revoici, avec ce nouveau film, dans l’Amérique banlieusarde. Aux Etats-Unis, les riches de race blanche vivent dans les banlieues. Les autres (les noirs notamment) vivent précairement en centre-ville. C’est à l’inverse de notre système.

Sam Mendes avait magnifiquement décrit, il y a dix ans, la déshérence de la banlieue blanche et friquée dans « American Beauty ».

Le même Sam Mendes nous projette sur le même territoire, 40 ans plus tôt, dans les années 50. Le paysage est effroyablement identique. Il s’agit encore et toujours des Etats-Unis, l’espace infini de la conformité et de l’ennui.

Je ne vais pas ici résumer l’intrigue. Je vais m’attarder néanmoins sur les interprètes : Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, le duo légendaire du « Titanic », archétypes de la jeunesse et de l’amour impossible. Ce même couple se déchire, toujours victime d’un amour incompatible, dans le nouveau film de Mendes.

Le titre en français, comme souvent, est idiot : « Les Noces Rebelles ». Ça ne veut rien dire. En anglais, le titre est : « Revolutionary Road », infiniment plus ironique et pertinent.

C’est l’adresse de la belle maison résidentielle du couple en apparence parfait qui se désagrège sous nos yeux. « Revolutionary » pour les Américains, ça ne veut pas exactement dire « révolutionnaire ». C’est une référence à l’Histoire du pays. La « Révolution » américaine, c’est la guerre contre les Anglais. C’est d’abord et avant tout une guerre d’indépendance. Le couple du film ne cherche pas la révolution, juste l’indépendance par rapport aux conventions de la société. C’est ainsi qu’il faut comprendre le titre du film. En français, « Noces rebelles », c’est juste naze comme traduction, mais on a l’habitude !

Deux acteurs exceptionnels transportent ce film: Kate Winslet exprime alternativement la douleur, la révolte et le renoncement. Et Leonardo DiCaprio confirme ici qu’il est l’interprète le plus doué de sa génération. Nous le savions déjà il y a 15 ans, après l’avoir vu jouant un ado attardé mental dans « What’s eating Gilbert Grape ». Depuis cette époque, je n’ai jamais vu DiCaprio inintéressant au cinéma. Jamais.

Dans « Revolutionary Road », il y a plusieurs scènes intenses de face-à-face entre Winslet et DiCaprio. Dans la cruauté, l’intensité et la démesure, ça vaut Liz Taylor et Richard Burton dans « Who is afraid of Virginia Wolf » (Mike Nichols – 1966).

Ce qui renforce encore le film remarquable de Sam Mendes, c’est le sens du détail : les objets, les décors, les costumes, la lumière, le montage, la qualité sublime de la photographie (énorme travail très pertinent sur la profondeur de champ). Et aussi la distribution des seconds rôles. Ils sont tous en place, magnifiquement choisis et dirigés. Un sans faute, tout simplement. Ça dure deux heures, bonnes gens, et on reste cloué à son siège, croyez moi.

Dans le cinéma américain, les bonnes nouvelles n’arrivent jamais seules. Il y a vraiment de très bonnes choses offertes à notre contemplation (en attendant « Harvey Milk » qui sort mercredi en France).

Disons un mot par exemple de « Benjamin Button », l’histoire de ce bébé né avec une apparence de vieillard et qui rajeunit, à rebours, jusqu’à sa mort. Le scénario semble impossible à mettre en images et pourtant le réalisateur David Fincher réussi la prouesse avec la complicité d’une Cate Blanchett (admirable) et d’un Brad Pitt placide et insondable. Le résultat est déroutant. Un conte philosophique à grand spectacle. On pleure à la fin. Effet garanti. C’est aussi ça le cinéma.

Je serai en revanche moins enthousiaste pour « Gran Torino » de et avec Clint Eastwood. Le vieil homme ne cesse de nous balancer son testament. Au fil des années, à l’usure, le testament s’effiloche. La presse française est en transes devant ce film, comme devant tous les films d’Eastwood sans distinction. Je me demande bien pourquoi.

En un mot, c’est l’histoire d’un vieillard acariâtre et raciste (mais avec un grand cœur) qui finit par se radoucir en prenant sous sa protection des asiatiques (très gentils finalement) dont il tolérait très mal au départ le voisinage. L’intrigue bien-pensante nous est exposée dans un scénario poussif desservi par un dialogue indigent. Les interprètes sont des marionnettes à commencer par le grand Clint Eastwood qui cabotine outrageusement du début jusqu’à la fin. Visuellement, le film est archi-moche : prises de vue vaseuses, images granuleuses, montage à la serpe.

Le cinéma américain quand c’est moche à l’écran, ça ne vaut même pas la peine de s’y attarder. Pour tout vous dire : je me suis royalement emmerdé ! Clint Eastwood a fait quelques grands films par le passé. Celui-ci est vraiment raté.

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