"Ce qui barre la route fait faire du chemin" (Jean de La Bruyère - 'Les Caractères')

samedi 9 octobre 2010

Larry Clark "choquant" ? Non, médiocre.


Revenons une dernière fois sur l’affaire de l’expo «scandale» du photographe Larry Clark au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, sujet évoqué sur ce blog mercredi (voir ci-dessous). On sait que la Mairie de Paris qui gère ce musée a interdit sottement cette exposition aux moins de 18 ans, sous prétexte qu’on pouvait y voir des images « choquantes ».

Je suis allé voir cette expo hier après-midi, jour de l’ouverture au public. Il y avait foule et notamment beaucoup de jeunes, des majeurs car les cartes d’identité sont vérifiées à l’entrée, plus strictement que dans une boîte de nuit.

A l’intérieur, la rétrospective Larry Clark (assez mal présentée avec quelques photos grand format qui gondolent) est décevante, pour ne pas dire totalement inintéressante. On repère assez vite les clichés qui ont hérissé Bertrand Delanoë : quelques accouplements, un sexe par ci, un sein par là. Cependant, si vous cherchez du salace, vous trouverez beaucoup mieux sur Internet ou dans certains magazines vendus au kiosque à côté du musée.

Ce qui m’a surtout frappé, c’est la médiocrité générale des photos de Larry Clark. Pour dire les choses simplement : Larry Clark n’est pas un bon photographe. Il se fait remarquer par les sujets qu’il aborde : sexe, violence, drogue, misérabilisme. Mais son regard est incroyablement plat. Ses photos sont triviales, répétitives et d’une laideur même pas calculée.

Son absence de talent est flagrante dans la dernière salle où l’on voit les œuvres les plus récentes : des grands formats en couleur. C’est indigent si on compare à des photographes qui se sont attaqués à des sujets voisins avec les mêmes techniques : la jeunesse, ses déboires, ses dérives. Prenez par exemple l’Américaine Nan Goldin ou bien l’Allemand Wolfgang Tillmans. L’un et l’autre sont infiniment plus pertinents et finalement plus subversifs que ce pauvre Larry Clark qui, au fil des années, ressemble de plus en plus à un vieux vicelard répétant aux jeunes : « montre-moi ton cul, montre moi ton zizi ».

En ce qui concerne les photos du début (les petits formats en noir en blanc), il est évident que Larry Clark ne fait pas le poids par exemple face au travail de Bruce Davidson. Ce dernier a lui aussi approché et photographié l’intimité d’une jeunesse déboussolée. C’était à la fin des années 50. Davidson a rassemblé alors une série extraordinaire publiée dans l’album « Brooklyn gang ».

Ce que j’écris ici n’enlève rien à la stupidité de l’interdiction aux mineurs de l’expo Larry Clark imposée par la municipalité parisienne bien trop frileuse.

Mais, finalement, Bertrand Delanoë a rendu un sacré service à Larry Clark : la polémique engendre une énorme publicité injustifiée pour une présentation photographique qui ne vaut pas tripette.

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